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Le Figaro 29 Octobre 2021 : L’occasion ou l’émotion au poignet par Judikael Hirel

Pourquoi s’offrir une montre de seconde main ? Pas spécialement pour le prix, mais plutôt pour cultiver sa différence et raconter une histoire.

Vous êtes plutôt neuf ou vintage? L’un n’empêche pas l’autre, bien sûr. Il n’a jamais été aussi simple de courir et parcourir depuis chez soi les ventes aux enchères et les sites de vente de montres de seconde main. Les maisons d’enchères, les revendeurs de pièces d’occasion voire vintage ont su profiter du confinement pour peaufiner leur offre.

Désormais, tout le monde peut tout s’offrir, où que ce soit, à condition d’y mettre le prix. Car faire la chasse aux bonnes affaires n’est pas le réflexe à avoir en matière de montres vintage. Si elles constituent un placement plaisir par excellence, bien souvent, les plus belles pièces valent autant qu’une montre neuve, voire plus. Seule l’accessibilité, à la connaissance comme aux produits, a changé. Mais quand on voit, comme récemment à l’Hôtel des ventes Bordeaux Quinconces, des Heuer Monaco de 1972 en parfait état se vendre entre 9 000 et 100 000 €, pourquoi s’en priver? D’autant que l’on peut arborer à son poignet un garde-temps doté d’un vrai supplément d’âme.

Des modèles qui ne sont plus édités

«Nous vendons des pièces historiques à un nouveau public, des gens qui ne tiennent plus à acheter du neuf, décrypte Jean-Christophe Guyon, expert horloger de ces ventes aux enchères, à la fois physiques et en ligne. Ce sont des amateurs qui découvrent l’horlogerie et ont envie d’acheter de belles pièces signées de grands noms: Blancpain, Reverso, Cartier, Rolex, Omega, Breitling…» Ce qui n’empêche pas de proposer en parallèle des pièces d’exception telles, prochainement, une montre Cartier Etrier de 1925 offerte par Ettore Bugatti ou un chronographe Sky Chief Benrus by Universal Genève de 1939 offerte à un pilote de la TWA pour avoir parcouru un million de miles. «La vente en ligne a augmenté la connaissance et la visibilité des montres, estime pour sa part Thierry Serna, fondateur du site de montres de collection Mostra Store qui vient d’ouvrir sa boutique à Aix-en-Provence.

Enchères horlogères: les 10 coups de cœur de la semaine : https://www.lefigaro.fr/horlogerie/encheres-horlogeres-les-8-coups-de-coeur-de-la-semaine-20211012

Comparé au neuf, vous allez forcément trouver des modèles en occasion qui ne sont plus édités. Sans oublier que de nombreuses marques ont tout simplement disparu. Par exemple, la majeure partie des gens qui achètent des Rolex vintage le font parce qu’elles ont une taille différente, 39 ou 40 mm.» Une montre vintage, c’est aussi une histoire à raconter, à partager. «J’ai vendu ce matin à un trentenaire une Rolex 6624 de 1955, modèle de transition entre les Oyster et l’Explorer, avec un cadran vanille spécifique, témoigne Thierry Serna. Il l’a achetée parce que les années 1950 lui parlent. C’est de l’émotion à porter au poignet.» Et de préciser : «C’est génial de porter une montre qui a ouvert la voie à celle que porte mon père, m’a-t-il dit. Cela va le sidérer.»

Bien sûr, acquérir une montre d’occasion peut aussi être une question de look, entre les lignes d’une carrure, la patine un peu chocolat du tritium d’un cadran… «C’est la possibilité d’avoir une montre que l’on ne verra pas au poignet de ses amis. Vous n’avez pas la montre de tout le monde.» Un comportement rafraîchissant alors que l’un des dommages collatéraux de la mondialisation du marché de l’occasion horlogère aura été de focaliser l’attention de spéculateurs sans imagination ni personnalité autour de quelques modèles précis. Ainsi, pendant que les uns spéculent et que les autres poursuivent leur quête sans fin de la référence ultime à ajouter à leur collection de garde-temps d’exception, une nouvelle génération d’amateurs se plonge avec délice dans les pièces des années 1970 et 1980. Modèles à porter, évidemment, au volant d’une «youngtimer».

En cette fin d’année, les ventes foisonnent de pièces exceptionnelles. Du côté de Phillips, la Geneva Watch Auction: XIV dévoile cinq montres de soucription F. P. Journe, toutes frappées «N°1». De quoi déchaîner encore plus les passions autour d’une des marques contemporaines les plus addictives, et spéculatives. À cela s’ajoutent quatre pièces signées du maître horloger Philippe Dufour, une rarissime Rolex Deepsea, une Patek Philippe référence 3448/100 unique, au boîtier en platine, ainsi qu’une superbe référence 2499, signée Serpico y Laino: reflet d’un temps disparu où les plus grands revendeurs contribuaient à la conquête du monde par le Swiss made horloger.

Entre 1,8 et 2,8 millions d’euros

Du côté d’Antiquorum, toujours à Genève, c’est également un trio de calendriers perpétuels Patek Philippe d’exception qui seront bientôt proposés. Mais c’est désormais Christie’s qui, entre ses ventes en ligne et ses ventes live physiques, s’est hissé au sommet des enchères horlogères. En sus de tenir le marteau lors de la vente caritative bisannuelle Only Watch, la maison enchaîne les sessions, avec prochainement neuf ventes entre Dubaï, Hongkong, Genève, Milan et New York. La session genevoise sera l’occasion de voir adjugée le 8 novembre l’incroyable Rolex Deep Sea Special N°1, tout premier prototype qui a marqué l’histoire en plongeant pour la première fois en eau profonde en 1953. Une pièce par définition unique estimée 1,8 à 2,8 millions d’euros… Cette même vente propose «L’Heure d’Or», premier exemplaire, jusqu’ici inconnu, de la Patek Philippe référence 2523, avec deux couronnes en or 18 carats, indication des 24 heures et cadran doré guilloché motif Vagues. Un chef-d’œuvre estimé entre 1 et 1,8 million d’euros…