C’est une belle histoire d’amour qui commence par un coup de foudre, un jour de l’année 1964, une année pendant laquelle le chanteur découvre l’aviation entre les aérodromes de Charleville dans les Ardennes et Biarritz sur la côte basque à bord d’un petit avion de tourisme assemblé par la société SOCATA, un Gardan GY-80 Horizon. Cette rencontre avec le pilotage marquera un point tournant dans sa vie et va le lier à l’amour de l’air jusqu’à la fin de sa vie. A la descente de l’avion, il décide de passer son brevet de pilote, diplôme qu’il obtient en 1965 et s’achète un chronographe de pilote…
Lors de son initiation au pilotage, pendant le vol, Jacques Brel observe le pilote : Paul Lepanse, un ancien pilote de l’Aéronavale, formé au pilotage par l’armée et qui, donc dans la plus pure tradition académique que les pilotes militaires ont de piloter, actionne fréquemment et régulièrement sa montre : un chronographe Auricoste type 20 pour suivre le vol. Une montre militaire que le pilote a acheté en quittant l’armée et qu’il utilise à chaque fois pour voler en tant qu’instructeur à Toussus le Noble ou en tant que pilote d’essai de la société Sud-Aviation. La suite du vol va conduire Paul Lepanse à laisser les commandes de l'avion au chanteur qui, enthousiasmé par la magie et le sentiment de liberté que lui procure cette expérience va conduire Jacques Brel à prendre Paul comme instructeur.
Dans les jours qui suivent, Jacques Brel va se procurer l’ensemble des cartes, documents et accessoires indispensables à la formation au pilotage d’avion de tourisme, et il va prendre un soin tout particulier à choisir ce qui lui est apparu, lors de son initiation au vol, comme un élément central des différentes actions à effectuer pour piloter un aéronef : un chronographe.
En 1965, le monde change radicalement de physionomie, il maintenant avéré que le monde des années soixante est entré dans une deuxième partie de cycle : de 1960 à 1964, pour la mode vestimentaire les robes qui se portaient longues, commencent à raccourcir à mi- genoux tout en gardant un aspect classique, dès 1965 le Space Art, puis le Pop-art naissant raccourci les tenues pour aller jusqu’à la mini-jupe… C’est aussi le moment où le monde jusque là très conservateur commence à oser, à se projeter vers l’avenir. C’est aussi la conquête de nouveaux espaces, comme les profondeurs de la mer, avec Cousteau et son monde du silence, mais aussi les profondeurs de la terre avec un certain Haroun Tazzief qui signe par ailleurs aussi un article dans le journal Le Monde sur l’origine des cratères sur la Lune.
La Course à L’ Espace : une volonté de découvrir des horizons nouveaux
C’est dans ce contexte de changements que La NASA avec les missions GEMINI va envoyer des hommes dans l’espace et ces pilotes ont tous bien entendu un indispensable chronographe à leur poignet car tout comme pour Paul Lepanse, l’instructeur de Jacques Brel, ces pilotes d’origine militaires ont tissé une relation particulière avec leurs montres durant leurs vols (Un attachement si important que Charles Conrad pendant la mission de la NASA GEMINI 5 insistera pour garder en plus de son Omega Speedmaster de dotation, sa montre Glycine Airman de pilote d’essai).
Un Speedmaster pour voler
C’est donc tout naturellement, poussé par la déferlante d’images de la NASA que le monde de l’aviation, tout comme Jacques Brel découvre le Speedmaster d’Omega. Un chronographe simple à utiliser qui affiche l’essentiel sans s’encombrer de règles à calcul et de fuseaux horaires. Juste la mesure très lisible des secondes, minutes et heures en blanc sur un cadran noir mat. Un tachymètre pour entourer le cadran et surtout un mouvement fiabilisé et antichocs avec l’arrivée du calibre Omega 321 qui confère à la montre la capacité de résister aux écarts de températures d’un cockpit sans altérer son fonctionnement. Le choix était fait, Jacques Brel ne le quittera plus.
Les années suivantes poursuivant toujours son perfectionnement dans le pilotage, l’acteur conservera son Speedmaster dans maintes occasions, enchainant des récitals, des tournages de films et enchainant les heures de vols sur ses différents avions, il va renforcer avec passion la relation si particulière que tout pilote construit au fil du temps avec sa montre et il n’est pas rare d’apercevoir son Speedmaster à son poignet lors de ses concerts, sur des photos dans la presse ou comme en 1969 dans le Film « Les risques du métier » où il campe le rôle d’un instituteur avec au poignet son nouveau Speedmaster Pré-Moon référence 145.012 doté du calibre 861, un mouvement encore plus robuste et alternativement sa fidèle version Omega Speedmaster 105.003 acquise lors de sa formation de pilote, un peu plus sensible aux chocs que cette dernière avec son mouvement calibre 321.
Il arrivera dans les années 1972 à 1975 d'apercevoir par intervalles Jacques Brel avec une Rolex GMT Master 1675, un modèle en or, cadran marron avec indexes nipples le tout monté sur un bracelet de cuir noir, plus discret que son bracelet Jubilee or d'origine. Cette montre portée alternativement par l'artiste et dont il est difficile de suivre la trace ensuite, est visible notamment à la période du film de Claude Lelouch de 1972 : L'aventure, c'est l'aventure, dans lequel Jacques Brel est entouré de Charles Denner, Lino Ventura, Aldo Maccione et Charles Gérard, avec une chanson interprétée par Johnny Hallyday. Il est possible aussi de l'entrevoir lors du film d'Edouard Molinaro "L'EMMERDEUR", un film de 1973 dans lequel Jacques Brel donne la réplique à Lino Ventura
Néanmoins en 1973, il met un terme à sa carrière et fera ses adieux à la scène et à l'écran, passera son brevet de capitaine au grand cabotage et entamera avec sa famille, un tour du monde à bord de l'Askoy, un voilier de type Ketch, en bois. C'est aux Marquises que son périple va s’arrêter. Diminué par la maladie, Jacques Brel se retire dans ces lieux où la douceur de vivre lui permet de vivre paisiblement quelques années et dans lequel il continuera à s'adonner à sa passion: l'aviation.
Il va acquérir un Beechcraft Twin Bonanza, un avion bimoteur qu'il baptisera Jojo.Les dernières années, il rend régulièrement service à la communauté marquisienne en transportant au dessus des lagons polynésiens les habitants de l'archipel entre Hiva-Oa où il réside et Tahiti. Son Speedmaster au poignet, il continuera de voler et c’est certainement au regard de cette relation si fidèle et si intime avec son chronographe que l’image de cet artiste restera à jamais indissociable de sa montre. Une union jusqu'aux derniers jours qui permet de penser, que grâce à son fidèle Speedmaster qui l’a accompagné partout jusqu’à la fin de sa vie. Gageons que ce chronographe lui aura permis d'atteindre ensuite... son indicible étoile...