Dans l’univers de l’horlogerie, certains noms évoquent plus que d’autres l’innovation. la recherche inconditionnelle de la perfection, l’élégance l’héritage durable d’un savoir-faire. Parmi ces noms célèbres dans l’histoire , des hommes comme Abraham Louis Breguet ou Gérald Genta vont laisser leur nom au panthéon de l’horlogerie. Dans cet Olympe mécanique, de nombreuses marques y ont depuis fait résidence mais depuis les années soixante, une marque va progressivement sortir du lot, synonyme de précision inégalée, de design intemporel et d’exceptionnel. Une réalisation tellement exceptionnelle qu’elle est assimilée à un Art : Grand Seiko.
Une marque conçue dans la tradition japonaise de l’élaboration martiale d’une perfection obsessionnelle : l’équilibre entre le geste juste du maitre et la rigueur de la voie à emprunter pour la maitrise de la fabrication ultime.
Puisant dans une tradition séculaire qui a contribué à sa naissance, grand seiko a marqué de son empreinte l’Art horloger à la japonaise comme miyamoto musashi a défini pour ses contemporains sa philosophie si particulière de la voie du sabre. Une conception inédite qui va poser de nouvelles normes et redéfinir l’essence même du savoir-faire l’horloger dans un pays idéalisant la perfection mécanique et les instruments de mesure.
L’origine de la marque remonte à 1892, lorsque son fondateur Kintaro Hattori, dépose la marque Seikosha. Kintaro est âgé de trente-deux ans et est très au fait des révolutions industrielles européennes. Sensible aux variations de marché et aux gammes de produits industriels, il va définir pour ses productions différentes gammes aux positionnements distincts. Sa vision de la production horlogère va également s’organiser autour de la notion de client final et des usages attendus par celui-ci.
Cet entrepreneur visionnaire et passionné de mécanique va faire passer en quelques années son petit atelier de réparation et de vente de montres à Tokyo en une usine moderne de fabrication de montres et d’horloges.
Et bien que de nombreuses pièces marquantes aient été signées Seiko, ce n’est qu’à partir de 1960 que la première pièce signée Grand Seiko voit le jour. Une montre qui va devenir l’une des pièces emblématiques de Seiko. Cette montre Grand Seiko dotée du calibre GS 3180, est considérée comme la première montre Japonnaise à avoir réussi à atteindre le standard d’excellence imposé par les Bureaux japonais de Contrôle de marche des montres. Montre élaborée par l’équipe d’ingénieurs horlogers les plus expérimentés et les plus compétents de la marque avec l’objectif commun et avéré de d’imposer un standard capable de rivaliser avec les productions de garde-temps suisses.
La première Grand Seiko était dotée de fonctionnalités qui établiraient un standard ambitieux. Une norme qui concernerait toutes les futures grand seiko quelque soient les collections. Des fonctionnalités comme une réserve de marche minimale de 45 heures et un mécanisme de type hack-watch, qui pouvait être activé en tirant sur la couronne, permettant de régler l’heure avec plus de précision. Les productions grand-seiko devaient être également dotées d’un dispositif de régulation à deux phases, dispositif inédit et impensable pour une production japonaise à cette époque. En tant que tel, on peut dire que cette pièce incarnerait à la perfection le potentiel d’excellence dont la marque était capable…
1964 voit le lancement de la seconde génération de Grand Seiko, le modèle désigné par le patronyme Self-Dater. Une montre dotée d’un guichet date et d’une étanchéité garantie pour à cinquante mètres. En 1967, la Grand Seiko 44GS, va encore amplifier la renommée de la marque ; Le modèle 44GS va être animé par un mouvement mécanique à remontage manuel qui fut désigné comme le plus précis au monde. Mais à la même période, Grand Seiko positionne ses productions Quartz au niveau de l’horlogerie haut de gamme. Bien que la seiko 44GS ait connu un succès notable, Grand Seiko va rapidement dépasser ces standards de qualité.
1988 a vu naitre la 95GS, véritablement considérée comme la première montre à quartz de la maison. Une montre qui dès sa sortie littéralement surpassée toutes les autres montres à quartz du marché. Chaque composant étant internalisé, la 95GS a été fabriquée uniquement avec des composants dont les performances ont été testés et éprouvées dans toutes les conditions d’utilisation à travers de nombreuses batteries de tests de résistance aux variations de température, aux chocs et à l’humidité.
Au cours de la décennie suivante, la marque va créer de nombreux modèles quartz exceptionnels, repoussant sans cesse les limites à chaque nouvelle itération. Perfectionner un mouvement mécanique à chaque nouvelle génération est aussi un leitmotiv de la marque qui est à la fois mal compris et mal représenté. Mal compris car la stimulation engendrée par la concurrence interne des différentes unités d’ingénierie Seiko entre les années cinquante et soixante-dix fut longtemps considérée comme contre- productive, mais c’était sans compter la formidable stimulation des équipes provoquée par cette concurrence interne tellement axée vers la quête de perfection. Il est essentiel de mieux comprendre cette démarche car c’est sans doute la plus significative de l’histoire de Seiko et par extension de toute cette nouvelle organisation de l’industrie japonaise de cette période.
Comme les entreprises Canon ou AKAI et leurs multiples mini-unités de fabrication de composants vont faire émerger le schéma consolidé d’une production assemblée et unifiée autour d’une marque unique, Seiko va faire converger l’énergie et l’effort de ses multiples services concurrents autour d’un projet d’entreprise commun avec l’objectif de devenir la plus grande maison horlogère du monde.
Dans toute histoire chronologique, il est à considérer que selon les époques, mythes et légendes vont renforcer ou mettre en relief certaines époques afin d’en atténuer la portée ou d’en renforcer les effets
Dans les années qui précedent l’entrée en guerre du Japon en 1941, Seiko était organisé en deux pôles distincts : K. Hattori and Company, société de fabrication et de vente d’horloges dont le célèbre magasin Hattori Tokeiten à Ginza et un atelier d’établissage Seikosha réservé aux productions civiles. Le second pôle de fabrication, plus spécialisé comprenait des unités de production de compteurs de bord, d’horloges, de chronographes de marine et de navigation. Cette usine, connue sous le nom de Daini Seikosha, va réaliser de nombreuses productions dont l’usage professionnel va contribuer à tester en grandeur nature la qualité des standards de fabrication.
Toutes les unités étaient situées à Tokyo et à l’entour et appartenaient toutes à la famille Hattori, mais elles étaient contrôlées commes des unités indépendantes. Alors que l’entrée en guerre du Japon devient de plus en plus évidente Daini Seikosha va commencer à prévoir de sécuriser la production de l’entreprise en la rendant moins sensible à un bombardement éventuel par des relocalisations multiples en dehors de Tokyo. L’objectif étant aussi d’augmenter les volumes de fabrication (compte tenu des commandes de plus en plus importantes liées à l’effort de guerre en devenir) De nouveaux sites Seikosha plus importants et plus éloignés les uns des autres voient le jour.
En mai 1942, six mois après l’entrée en guerre du Japon, Hisao Yamasaki, un employé de Hattori Tokeiten à Tokyo est mandaté pour aller créer une unité de production horlogère dans la ville de Nagano. Située dans Suwa, l’entreprise prendra la dénomination « Daiwa Kogyo, Ltd. » avant d’être rebaptisée « Daini Seikosha (Suwa) » en 1943. L’avenir donnera raison à Dani Seikosha puisque l’unité de Nagano deviendra Le fer de lance de la production Seiko après la destruction du site de Kameido à Tokyo par les bombardements américains.
A la fin des années quarante, L’usine de Kameido va être reconstruite et bien que les sites de productions périphériques de Kiryu, Toyama et Sendai soient fermés, M. Yamazaki convainc la famille Hattori de conserver l’usine de Nagano en tant que filiale de Daini Seikosha.
Cependant, force est de constater que la qualité des montres produites après la guerre ne correspondait plus du tout aux ambitions antérieures de Seiko. Le manque de matières premières orientés plus vers la l’effort de guerre que vers les industries non liées à l’armement, la stagnation du paysage industriel japonais dû à la mobilisation au combat de nombreux ouvriers qualifiés, et les bouleversements liés à l’éparpillement de la production de Tokyo vers des sites d’évacuation périphériques plus petits.
Seiko ne produisait plus de montres de qualité. Dans cette période sombre de son histoire, les montres produites par Seiko n’étaient même plus en mesure de concourir dans les compétitions nationales aussi modestes soient elles. À cette époque, Seiko utilisait soit des mouvements Moeris 10 ou des reproductions de ces mouvements fabriqués localement sous l’appellation Seikosha cal 10, mouvements utilisés majoritairement dans les unités de production Daini et Suwa dès la fin des années 1940 et tout au long de la guerre.
Les premières timides évolutions des productions seikosha apparaissent après l’armistice en 1946 sous la dénomination Cal-10A. Pour ce faire, des ingénieurs de l’unité de Suwa vont mettre au point un dispositif distinct pour la deuxième et troisième roue et une combinaison de coqs autonomes pour la quatrième roue et les roues d’échappement améliorant notablement la fiabilité du mouvement. En 1948, Pour c’est au tour des unités de productions de Daini, de reprendre ces évolutions pour upgrader le mouvement de base Moeris en le baptisant calibre 10B. avec quelques évolutions notables qui consistaient à utiliser un pont séparé pour les deuxièmes, troisième et quatrième roue. Mais Seiko semble toujours avoir perdu son génie.
Les années cinquante vont réveiller la belle endormie, les améliorations de qualité nécessaires s’imposent car la léthargie dans laquelle c’est installée Seikosha éloigne de plus en plus l’entreprise des ambitions d’excellence du fondateur. Dans un Japon en reconstruction qui s’éloigne progressivement des mauvais effluves d’une défaite passée, une nouvelle impulsion est donnée entre autres par l’énergie du plan Marschall qui va doter le Japon d’une nouvelle donne et le faire sortir de son autarcie technologique.
Avec le retour de la profusion des matières premières et surtout le renouveau spirituel d’une nouvelle génération d’ingénieurs formés aux techniques horlogères modernes baignée dans une société civile redevenue optimiste, ouverte et tournée vers l’avenir, Seiko va reprendre le chemin du quantum-leap de ses origines.
Une des premières manifestations de ce nouvel élan va concerner l’usine de Suwa. Sa nouvelle équipe de développement va mettre au point un mouvement radicalement moderne : le Calibre Seikosha Super.
Un mouvement qui reprend de nombreuses caractéristiques et une architecture tirée de l’expérience acquise par le monde de l’horlogerie de l’après-guerre. Un melting-pot hybride qui a mixé l’expérience des vainqueurs et des vaincus dans un marché ou le libre échange de connaissances tranche fortement avec l’autarcie technologique de mise pendant la période de guerre. A noter que cette connaissance va circuler dans les deux sens puisqu’à la même époque ETA va développer et produire en Suisse le fameux calibre 1080 la même année.
Les montres s’appuyant sur le mouvement Seiko 'Super' se vont déployer rapidement sur le pôle Asie-Amérique avec une demande forte du marché civil en bien d’équipements, celles à base de l’ ETA 1080 vont nourrir les marché Européens et du Commonwealth afin de combler la disette horlogère de la fin des années quarante.
Il faut souligner que ces deux mouvements innovants vont définir la ligne directrice suivie par le marché horloger mondial. A l’origine de nombreux mouvements à remontage manuel et ensuite automatiques, la filiation quasi jumelle entre le mouvement Seiko et le mouvement ETA développés au même moment reste stupéfiante car bien que similaires les deux calibres restent néanmoins différents.
Taille de mouvement et architecture globale sont clairement les mêmes, mais sur le plan industriel, la disposition des pignons ne s’aligne pas exactement, de sorte qu’un mouvement n’est pas le clone direct de l’autre.
Cependant, Seiko n’a jamais communiqué que le calibre seiko super était un mouvement interne créé ex-nihilo, cela signifie-t-il que le développement du calibre du modèle Super soit intimement lié au mouvement ETA ? c’est à priori avec le recul quelque chose de vraisemblable. Connu pour être le premier mouvement seikosha doté d’une seconde centrale, Le calibre super a été le premier mouvement à seconde centrale de Seiko. Car auparavant, les différents mouvemens type Moeris utilisaient toutes un guichet petite seconde indépendante.
Genzo Hattori, fils du fondateur, en 1953 va incarner la deuxième génération Hattori/Seiko, fidèle aux enseignements et valeurs familliales, il va propulser le groupe dans une nouvelle dynamique en utilisant la concurrence vertueuse des différents sites de production.
Avec l’objectif de stimuler la capacité à innover du groupe dans son ensemble, il réorganise la production de montres autour de plusieurs centres autonomes de recherche et développement pour les usines de Nagano et Kameido.
Un changement structurel qui va rapidement porter ses fruits avec le laboratoire de recherche de Suwa qui va en 1956 concevoir et produire le modèle Marvel une montre qui au regard des productions passées amenait son lot d’innovations et surtout une endurance et une fiabilité au-dessus du lot.
Bien entendu l’usine Daini, en concurrence active et piquée au vif dans sa fierté, va entreprendre de surpasser le modèle Marvel.
A cette époque, l’usine Daini utilisait encore pour produire ses modèles le calibre historique version Seikosha du modèle super dans un modèle depuis rebaptisé « Unique » Ce mouvement sera d’ailleurs utilisé dans cette montre jusqu’en 1960. Mais rapidement le centre de recherche va permettre à L’unité Daini de prendre une longueur d’avance avec le modèle de montre appelé Cronos et équipé du nouveau calibre Seikosha 54A élaboré in-situ dans l’unité R&D Daini…
Ainsi, à la fin des années 1950, cette course à l’innovation en interne initiée, qui allait se poursuivre pendant une grande partie de la décennie suivante. Chaque usine a essayé de surpasser l’autre pendant cette période, publiant de nouvelles évolutions de modèles presque tous les mois dans le but de montrer qu’elles étaient les plus innovantes et les plus compétitives.